exposition THIERRY TIAN-SIO-PO INEXTRICABLE

THIERRY TIAN-SIO-PO INEXTRICABLE

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La Fondation est ouverte 365 jours par an. Les expositions se visitent gratuitement de 9h à 18h30.

Infos pratiques

Les peintres vraiment enthousiasmants, en Guyane, se comptent aujourd’hui sur les doigts de la main. Thierry Tian-Sio-Po est de ceux-là.

Une technique étonnante, des couleurs sublimes, une passion jamais affaiblie. Des tableaux sur lesquels, sans se raturer, au plus près du temps réel et de la pensée volatile, il dessine ses projets, portraiture ses rencontres, fixe les lumières, ressuscite les lieux qui l’ont captivé.
Comme ces acteurs de théâtre qui tiennent la scène sans avoir à parler, il vous accroche d’emblée, et vous tient : il a cette poigne. Et pour cause. Thierry Tian-Sio-Po peint dans un style qui emprunte à la fois à ses origines, à sa formation et à ses lectures de chevet. Sous son pinceau si délicat qu’on dirait une plume pour calligraphier, les images, les parfums, les sensations, les idées se mêlent et parfois se confondent. Pas de trace, chez lui, de colère et encore moins de morale. Pas non plus de rancune, qui est la vanité des déchus. Au contraire, une étonnante faculté d’isoler l’essentiel, un persistant goût de l’interrogation et une saisissante aptitude à la prise de conscience.

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Le thème de l’exposition, Inextricable, va à ravir à Thierry Tian-Sio-Po. L’homme fait partie de cette école où on n’a que faire de l’abstraction lyrique. On ne cherche surtout pas à peindre abstrait mais à esquisser des histoires, des anecdotes, des tranches de vie. Le rôle de l’artiste ? « Produire des choses qui amènent certaines tensions », répète-t-il à l’envi. C’est bien de la marge que viennent les artistes, et c’est bien en marge qu’ils choisissent de rester. Le centre, ils l’observent, l’analysent, le critiquent, et parfois parviennent à le déplacer. Tel est l’enjeu : forcer le centre à détourner son regard de lui-même. Chez Thierry Tian-Sio-Po, cela signifie nous amener à toucher du doigt la contradiction entre ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Et pour exprimer cette complexité, le peintre guyanais a choisi le mode du baroque, cette forme d’art, dynamique et lyrique, qui se distingue par sa recherche d’effets et par son appel aux sens et à l’émotion. Par cette manière de voir et de donner à voir la société guyanaise, Thierry Tian- Sio-Po entend déshabiller les apparences et mettre l’accent sur les idées reçues. Inextricable en est la preuve. Elle est lourde par le poids, délicieuse pour l’esprit. Par moments, on croirait une conversation intime entre l’auteur et le visiteur ; il lui parle, le prend à témoin, lui présente le kaléidoscope de son histoire. Cela peut paraître déconcertant, mais qui a décrété que la meilleure peinture devait toujours être confortable ? D’autant que pour parvenir à ses fins, le Guyanais utilise tout à la fois de l’acrylique, du charbon, du métal, du bois, du vernis et des cadres. Car sa particularité, c’est tout de même le refus d’un système achevé, c’est la déconstruction de l’idéologie ambiante, c’est le choix du questionnement contre les certitudes, c’est enfin et surtout la mise en exergue des impasses de la société guyanaise. Mine de rien, est-on tenté d’écrire, en tout cas en n’appuyant jamais que là où cela risque de faire mal, les tableaux distillent à propos des opinions que l’on pouvait penser les mieux arrêtées un trouble qui ne se dilue pas tout à fait dans les rires suscités par l’observation à distance de comportements que le peintre semble désigner comme singuliers, bizarres, voire extravagants, pour d’un même regard, et sans qu’on y prenne garde, les restituer dans toute leur perverse banalité. Baignés dans les tréfonds de la Guyane, les tableaux, oniriques et vivifiants, de Thierry Tian-Sio- Po sont une leçon picturale de conscientisation. »

René Ladouceur